Avant
toute chose, et pour les plus jeunes lecteurs, peux
tu nous faire un bref résumé du chemin
parcouru par YSB depuis vos débuts ?
Whaouu ! On a débuté en 1994 et on
a connu les habituels changements de line up inhérents
aux jeunes groupes, mais on peut dire que les membres
sont les même depuis le début, hormis
les batteurs. Deux démos dont une ressortie
en CD, un 45 tours, deux albums et un MCD plus tard
nous revoila prêt à sortir notre 3ème
album intitulé "Phoïnike".
Nous avons joué un peu partout en France
et dans quelques pays autours, et avons même
eu les honneurs d'une tournée en 2002 avec
Apostasia et Furia.
Mais
notre histoire a toujours été une
histoire d'amitié et de famille avant tout,
avec tout ce que cela comporte. Que dire de plus
? Sinon que l'on est vraiment heureux d'avoir vécu
ce que l'on a vécu ensemble, avec pour seul
objectif avoué de faire la musique qui nous
plait, quitte à ne pas rentrer dans "les
cases" du marché
D'ailleurs notre
silence de presque dix ans n'est pas une absence
ni une retraite, on s'est juste mis à l'écart
et on a pensé à nous même en
tant que personne.
Pourquoi
avoir stoppé les concerts et bien sûr,
comment s'est décidé ce grand retour
?
On n'a jamais rien stoppé en fait. C'est
le cours de la vie qui a fait que nous avons mis
autant de temps avant de refaire parler de nous.
Nous n'avons jamais splitté ni cessé
d'écrire et de travailler. Certes on a pris
tout notre temps, je peux pas dire le contraire.
Nos vies privées ont fait de certains d'entre
nous des parents, des travailleurs etc
Et
puis nous étions, et sommes toujours assez
éloignés géographiquement les
uns des autres. Rajoutons à cela que nous
avons changé un nombre incroyable de fois
de batteurs et tu as une partie de la réponse.
Nous
n'avons jamais mis le groupe en pause, mais nous
avons du faire avec nos vies respectives. Et puis
pour finir, je dois bien dire que notre état
d'esprit s'est retrouvé au fil du temps assez
loin de ce que l'on peut voir dans "la scène".
Disons que nous n'avons jamais voulu nous compromettre
et que parfois ça rend les choses moins faciles.
Peux
tu nous en dire plus sur le nouveau batteur ? N'étiez-vous
pas, pendant un temps, en relation avec Franky
de Dagoba ?
Franky a effectivement enregistré
le nouvel album avec nous, mais malheureusement
son emploi du temps ultra chargé ne nous
a jamais permis de pouvoir monter sur scène
plus tôt. Franky est un type excellent
humainement et un batteur de fou mais il a fallu
que nous cessions notre collaboration d'un commun
accord car nous ne pouvions pas avancer comme nous
le souhaitions. Parallèlement à cela
Maxime (le nouveau batteur) jouait déjà
avec SWODD et s'est avéré être
un amateur averti de Your Shapeless Beauty. Les
choses se sont donc faites le plus naturellement
du monde et c'est un plaisir de l'avoir comme membre
à part entière dans l'équipe.
C'est un gars qui n'en veut comme on dit, et il
est réellement très bon, mais faut
pas trop lui dire ;-)
Associer
votre come-back avec le retour de KALISIA, il n'y
a qu'un pas. On pourrait voir là, un revival
de la "french dark touch" des années
2000. Il ne manque plus que FAIRLIGHT, DEMENTIA,
DARKEN et consor
Avec le recul comment vois-tu ces belles années
?
Ce sont de belles années, c'est sur. J'ai
le sentiment qu'à l'époque il était
plus facile de se produire sur scène et que
les contacts humains étaient bien plus solides
et mis en avant que maintenant. Je dis ça,
je passe peut être pour un vieux con mais
on en parlait justement avec un des mecs de E-FORCE
le soir du concert (à Laudun) et lui aussi
a ce sentiment particulier. Maintenant c'est un
peu comme s'il nous fallait retourner à l'underground,
le vrai, c'est à dire celui où tu
dois vraiment te débrouiller seul, à
l'ancienne, un peu comme si c'était le retour
du Do It Yourself !
Il
est clair qu'au début et milieu des années
90 la communication ne passait pas par internet,
qu'il y avait moins de groupes et d'acteurs dans
la scène, que le metal en lui même
restait vraiment très confidentiel, surtout
vis à vis des media. Je dirais que cette
époque était moins facile à
vivre structurellement parlant mais humainement
c'était autre chose. Et puis on sentait un
souffle vraiment frais au niveau des groupes. La
France était mal vue, car beaucoup de groupes
n'étaient que des ressucées des groupes
anglo saxons ou teutons, mais à côté
de ça pas mal d'autres groupes pratiquaient
un metal original, couillu et réellement
intéressant. Les groupes que tu cites en
font partie, mais il y en avait plein d'autres comme
Forest of souls, Seth, Sup etc
La plupart
ont disparu, dommage.
Je
ne dis pas que les groupes actuels sont moins bons,
mais je pense que la technique et l'image ont pris
une importance prépondérante au détriment
de l'âme, du feeling et de la personnalité.
Disons que le metal s'est démocratisé
et forcément cela entraine des compromis
Je ne parle pas pour tous les groupes évidemment.
Mais maintenant chacun ou presque peut s'auto-produire
pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Un ingé
son reste un ingé son. Pour finir je dirais
que ces années sont pour nous parmi les plus
belles car ce sont nos débuts et tous les
débuts sont magiques.
Et ce nouvel album alors ? Les compositions proposées
sur scène à Laudun annoncent
de bien bonnes choses. Quelles sont les difficultés
rencontrées pour finaliser la réalisation
et voir un disque dans les bacs ? Ce concert peut
t'il servir de déclic à un nouveau
départ pour le groupe ?
"Phoïnike" est un album totalement
YSB mais très déroutant pour autant.
"My swan song" était introspectif
à l'extrême, noir et étouffant,
mélancolique. Le nouveau est beaucoup plus
hargneux et rentre dedans, plus direct aussi. Les
morceaux sont plus courts et plus incisifs. Mais
cela reste du Shapeless, et il y'a toujours des
passages atmosphériques et planants. Je pense
qu'il risque de surprendre ceux qui nous attendent
à un endroit bien précis, et tant
mieux ! Après je peux pas t'en dire plus,
je suis toujours très mal à l'aise
pour parler de notre propre musique, je dirais que
les gens jugeront.
En ce qui concerne les difficultés dont tu
parles
On s'est auto-produit pour l'enregistrement
en lui même (après des années
de travail derrière les consoles de mix de
nos 2 guitaristes qui ont acquis une belle experience
ces 10 dernières années). C'était
un de nos objectifs premiers : pouvoir s'enregistrer
nous même mais avec le matériel et
la technique nécessaire à cette indépendance,
pas d'album au rabais. L'album est d'ailleurs en
phase de peaufinage et in ne nous restera plus qu'à
trouver un label
Ahahah ! Comme si c'était
le plus simple ! Et nous voilà reparti comme
il y'a 18 ans, à nos débuts. Au moins
ça nous préserve encore une fois de
la grosse tête !!! On redémarre comme
des jouvenceaux ! Mais on ne sait pas comment tout
cela va se passer, il nous faudra peut être
passer par la case auto financement et distribution
On
verra. Rien ne nous fait peur, sinon on ne serait
plus là.
Pendant
cette retraite " scénique " avez-vous
suivi la scène Metal en France ?
Que penses-tu par exemple de l'essor de GOJIRA ?
Du HELLFEST à Clisson ?
Oui, nous sommes restés de fervents metalleux,
tu ne peux pas rester enfermé dans tes vieilles
influences et rabacher " c'était mieux
avant ! ", mais nous écoutons aussi
beaucoup de choses autres. Je pense le plus grand
bien du Hellfest car enfin voilà un événement
qui rend justice à notre pays en terme de
musique et de métal. J'y suis personnellement
chaque année et c'est un plaisir sans nom.
Quand
à des groupes comme GOJIRA, ou encore DAGOBA
et autres, je ne peux que les féliciter et
apprécier leur succés, c'est mérité.
Après je ne te cache pas que musicalement,
ce n'est pas ma tasse de thé, je suis resté
un fervent adorateur de métal extrême
et underground, mais je tire mon chapeau à
ce genre de formations. Ca fait une superbe carte
de visite pour notre scène nationale en plus
!
Penses-tu
que YSB aurait eu plus de chance en apparaissant
en 2012 avec le tout-internet comme moyen de se
promouvoir plutôt que d'être né
aux premiers balbuciements de Windows 98 mais avec
le téléchargement "illégal"
encore inexistant ?
Non, je ne crois pas. Car malgré tout, YSB
est peut être "trop nous". Je ne
sais pas comment m'expliquer. Disons que je ne crois
pas qu'on aurait fait les choses de manière
radicalement différente. C'est sur qu'à
nos début je tapais à la machine à
écrire des textes que je photocopiais puis
découpais en enfin, je les collais en faisant
des montages avec des photos ou des images que je
photocopiais à partir de livres, de magasines
ou de dessins propres à nous
Bref c'était
fait à la main quoi ! Evidemment photoshop
a été une révolution (même
si j'adore ces vieux collages !!) En naissant en
2012 on aurait certainement eu plus de rayonnement
à travers la scène musicale mondiale,
c'est sur. Mais en contrepartie nous aurions été
noyés dans la masse. Et aujourd'hui ne pas
rentrer dans les cases signifie que tu restes en
dehors du systeme. C'est comme ça.
La
période électorale actuelle te donne
t'elle envie d'écrire des textes accès
sur la politique, la société, les
inégalités
?
Comment te situes-tu par rapport à l'écologie,
la vie, la terre ?
Aussi surprenant que cela semble être YSB
a toujours eu des textes très ancrés
dans la société dans laquelle on vit.
Cela a toujours été notre regard sur
les choses. J'ai beaucoup utilisé de métaphores
et de paraboles, et je me suis toujours tenu à
prendre une certaine distance avec le réel
au travers de mes influences littéraires
par exemple. Mais il est vrai que sur notre dernier
album les textes sont plus directs et rentre-dedans,
plus simples mais plus efficaces. Je pense qu'en
vieillissant tu t'embarrasses de moins de "frou-frou".
Le
monde qui nous entoure est une source d'inspiration
tellement large
Après tu ne nous entendras
pas dire " la guerre c'est mal, je suis
contre la faim, bla bla bla
". je
laisse ça aux Enfoirés et leur
charity business. Ce que je peux t'affirmer c'est
que notre leitmotiv c'est d'agir en accord avec
nos pensées et nos paroles et d'être
ce qu'on dit être. Pas de faux semblant, même
si ça ne nous a pas amené que des
amitiés. Mais bon, quand tu vois le monde
dans lequel on vit ce serait stupide de penser que
nous pourrons indéfiniment faire comme si
de rien n'était. La colère que nous
inspire l'actualité a toujours été
la. On a juste essayé de la canaliser en
faisant de la musique.
Quand à l'écologie
Evidemment
qu'il faut faire quelque chose, mais ça aussi
ça devient du business à la con. Ce
devrait être du bon sens et pas un dogme.
On devrait être tous écolo, profondément.
Mais tout est lié pour moi : le monde, la
vie, la mort, l'amour, le physique et l'intangible.
On a trop dissocié les choses dans ce monde.
Je suis un cartésien, mais un cartésien
ouvert, et je pense que nous avons trop d'illères.
Je sais que ce que je vais dire va choquer car ce
n'est pas très " evil " mais nous
devrions tous professer l'amour et tout irait bien
mieux sur cette magnifique planète. Mais
nous sommes des êtres humains, donc des champignons
de moisissure qui pourrissent tout. Alors pour sauver
la terre une seule solution valide : notre propre
éradication, totale et complète.
Quel
groupe ou artiste (que tu n'as pas encore vu en
live) aimerais-tu voir ?
Mon désir le plus cher en la matière
ce serait de voir une fois MIDNIGHT OIL sur scène,
qui est mon groupe fétiche et favori de tous
les temps. Malheureusement ils ont arrêté
il y'a quelques années. Mais qui sait, après
tout on est bien revenu alors qu'on ne manquait
à personne. En même temps, on n'est
jamais parti, on a juste été au ralenti.
Comme
souvent dans Leprozy, la dernière question
est destinée au batteur qui la plupart du
temps n'ont pas droit à la parole dans les
interviews.
Peux-t'il nous dire quelles sont ces influences
en matière de batteurs et de musique en générale
et bien sûr comment il se sent dans YSB ?
Maxime
(batterie) : J'ai
commencé la batterie à l'age de 6
ans. Trés vite, en piochant dans les cd de
mon père, j'ai pu admirer des batteurs tels
que Billy Cobham au sein de Mahavishnu
Orchestra (à écouter absolument...),
Steve Gadd (Petrucciani) , la puissance de
Matt Sorum (Guns'n'Roses). Puis à
l'age de 11 ans, j'ai écouté mon premier
SLAYER, "Divine Intervention",
où Paul Bostaph ma montré ce
qu'un être humain peut faire avec une batterie
!!!!
Aujourd'hui
dans le cadre metal j'écoute beaucoup de
groupes black et thrash, mais peu de death... Les
batteurs metal qui m'ont vraiment influencé
et poussé à travailler sont Nicolas
Barker, Gene Hoglan, Hellhammer, Trym Torson, Georges
kollias, Tomas Haake.
La musique de YSB est parfois trés agréssive
et rapide, parfois trés atmosphérique
et ambiante.. De ce fait jouer au sein de YSB requiert
un jeu assez polyvalent. En fait je crois qu'il
faut se situer entre un jazzman et un blastman !!!
;) Intégrer YSB et passer derrière
Franky Costanza (qui a enregistré
le nouvel album) n'est pas une mince affaire, mais
mon arrivée au sein du groupe et mon adaptation
aux morceaux ont été franchement facilité
par le fait que je joue déjà avec
les guitaristes de YSB au sein de SWODD.
Ce premier concert était un bon retour du
groupe, et je crois que l'avenir est prometteur...
J'ai pu me filmer lors de ce concert, le montage
est en cours pour quelques extraits promo...
Thrash
Elliott / Leprozy
- mai 2012
[ lire
le live-report du concert de Laudun (30) le 28 avril
2012 ]
[
http://www.yourshapelessbeauty.net/
]