TREPALIUM
- C'est à
l'issue du set de Gojira, après que le
public a quitté le Rockstore que nous avons
rejoint Trepalium au grand complet dans les loges
pour évoquer le chemin parcouru entre notre
première rencontre en 2003 pour la sortie
de leur deuxième démo " Pain's
Threshold
" et leur nouvel opus " XIII ".
Rencontre
avec Harun Demiraslan (Guitare, claviers et tête
pensante du groupe), Nicolas Amossé (Guitare),
KéKé (Chant), Sylvain Bouvier (Batterie)
et Ludovic Chauveau (Basse). (Interview
réalisée par The Butcher )
Leprozy
: Toujours en collocation dans une maison ?
Ludo : On est "pacsé" en fait maintenant...
En réalité, Nico, Sylvain et moi habitons
toujours ensemble dans une maison.
Leprozy
:
En 2003, vous me disiez vouloir
vendre une tête d'ampli Soldano, un pédalier
RP14 et une basse noire. Avez vous réussi
à vendre ce matos ?
Ludo : (rires) Non, on a toujours la tête
d'ampli et on la garde. Par contre le pédalier
et la basse ont été vendues...
Leprozy
: Que
de chemin parcouru depuis notre dernière
rencontre, en octobre 2003, à la sortie de
votre deuxième démo Pain's Threshold
! Déjà très bien ficelée
et groovy à l'époque, votre musique
s'est personnalisée avec l'intégration
d'éléments Jazz et Boogy des plus
originaux...
Harun : L'évolution s'est faite de façon
assez naturelle, logique par rapport aux bases que
nous avions déjà, très axées
sur les syncopes. On a toujours cherché,
à travers le mid tempo notamment, à
faire groover notre death à notre sauce.
Leprozy
: D'où
sont venues ces influences ? Qui en est l'instigateur
?
Harun : C'est venu assez naturellement dans le sens
où nous souhaitions apporter des sonorités
différentes et surtout nous démarquer.
Nicolas : On a trouvé aussi que l'expérimentation
des gammes que faisait Harun et qu'il travaillait
parfois pour d'autres projets sonnaient super bien
en distorsion avec certaines rythmiques.
Harun : c'est vrai que j'ai apporté le concept,
mais il faut bien comprendre que l'évolution
de Trepalium suit un fil rouge alimenté par
la personnalité de chacun. Sylvain par exemple
a une identité très forte à
la batterie dans sa manière de taper et d'aborder
les rythmes en 12/8. Du coup, quand j'amène
des riffs ou des compos, j'essaye de proposer des
choses sur lesquelles il pourra s'exprimer pleinement.
Au fil des années, au contact les uns des
autres, notamment au niveau des cordes, on a appris
à arranger tout ça de façon
instinctive pour que ça sonne comme Trepalium
doit sonner. Le génome du groupe fait partie
de nous.
Par exemple, sur XIII, il y a un riff un peu à
la Morbid Angel sur le deuxième morceau et
instinctivement Ludo l'a repris à l'octave
et ça a donné le morceau tel qu'il
est...
Leprozy
: C'est
donc dans le génome de Trepalium depuis le
début d'intégrer ces éléments
groovy ?
Nicolas : non pas aussi clairement, mais on n'aime
pas les musiques trop linéaires et on aime
se faire plaisir à jouer des morceaux un
peu difficiles. Le challenge fait partie intégrante
de l'intérêt qu'on porte à la
musique.
Ludo : on écoute tous un petit peu de tout,
pas que des trucs bourrins donc ça nourrit
notre musique.
Nicolas : le challenge a évolué au
fil du temps : le premier album constituait un défi
physique pour faire les concerts à 200 à
l'heure. Ensuite on a trouvé d'autres moyens
de nous exprimer avec efficacité en jouant
sur les contrastes, la noirceur de certains accords
etc.
Harun : Le fait de s'être côtoyer en
permanence pendant une certaines période
de notre vie nous a permis de découvrir rapidement
que nous accrochions aux mêmes morceaux ou
groupes. Avoir ces déclics en commun fait
que nous avons pu nous mettre facilement d'accord
sur le concept de Trepalium, sur sa direction musicale.
Du coup, on n'a pas besoin de discuter si oui ou
non telle idée est bonne pour Trepalium,
on le sait instinctivement.
Leprozy
: Vous
fonctionnez comme une entité à part
entière...
Harun : ouais, je pense sincèrement qu'avec
ce troisième album on a une couleur bien
à nous qui marque la personnalité
du groupe...
KK : bien noir ! (rires)
Leprozy
: justement,
comment définiriez vous ce qu'est le son
Trepalium ?
Harun : Trepalium c'est du death metal qui a tendance
à virer sur des plans groove au travers d'une
mise en place progressive.
Leprozy
: Je
crois que votre nouvel album a été
enregistré en mai 2008...
Nicolas : Non, en fait il a été enregistré
en novembre 2007 en 1 mois.
Leprozy
: Il
sort le 09/02/2009. Pourquoi un tel délai
? Vous êtes vous fâché avec Holy
Records ?
Ludo : non non, nous ne nous sommes pas fâché
avec Holy Records, c'est juste que ça ne
correspondait plus à nos attentes en tant
que groupe même si ils ont fait un très
bon boulot pour nos deux premiers albums.
Nicolas : on en profite pour les en remercier d'ailleurs.
Ludo : on voulait fonctionner différemment,
bénéficier d'autres moyens, d'une
plus grosse structure, d'un plus gros label. Bref,
nous voulions nous donner les moyens de nos ambitions.
Leprozy
: est-ce
que ça a été difficile de trouver
un nouveau label ?
Harun : oui et non. Un peu démoralisant parce
qu'on se jette dans le vide, mais on ne peut pas
dire que ce soit difficile; il ne s'agit que de
passer des coups de fil et de faire écouter
le CD. Ça plait ou ça plait pas et
en l'occurrence, notre CD a plu à Season
Of Mist par la suite.
Nicolas : l'album devait sortir début 2008
mais ça met vraiment du temps et on s'est
dit que quitte à perdre du temps autant en
profiter et prendre un an de break pour ré-envisager
notre avenir en choisissant le label qui nous permettrait
de passer à l'étape suivante dans
de bonnes conditions.
Harun : c'était important de la faire pour
le troisième album qui est crucial dans la
vie d'un groupe. Si on avait attendu le quatrième,
ça aurait peut être trop tard...
Leprozy
: ça
ne vous embête pas de jouer en ce début
2009 des morceaux que vous avez écrit en
2007 ?
Harun : non parce qu'on n'a quasiment pas eu d'activité
durant cette période de restructuration de
Trepalium.
Nicolas : on a fait que 3 concerts en un an et demi
donc pour nous cet album est toujours le petit dernier
qu'on n'a pas encore défendu en live et que
le public ne connait pas. Et puis le coté
funky demande une finesse de jeu qui est intéressante
au quotidien, plus que de répéter
tous les jours pour rester physiquement capables
de jouer les morceaux archi-rapides des débuts
qu'on a pas spécialement envie de jouer...
Harun : ce nouvel album reste un défi musical
pour nous : on a besoin d'être vraiment concentré
pour rester maître de notre instrument; c'est
ce qui est motivant.
Leprozy
: ça doit vous arriver de buter sur certains
passages en répétitions, comment vous
travaillez dans ces cas là ?
Harun : on attend. On bosse d'autres idées,
et un mois après comme par magie ça
passe.
Ludo : sinon, on rebosse le truc pour le rendre
plus accessible
Harun : en fait on a un processus de création
assez ouvert qui fait que nous pouvons être
sur 3 ou 4 morceaux en chantier en même temps
et chacun bosse dans son coin sur les passages qui
sont les plus délicats. Par exemple, le temps
que Sylvain apprenne à bien maitrise un morceau
très exigeant à la batterie, on bosse
sur d'autres parties de guitare... Chez Trepalium,
il s'agit de répétitions et de construction
musicale à plusieurs vitesses. On fait des
allers retour d'une idée à l'autre
jusqu'à ce qu'elles trouvent leur place.
Il ne s'agit pas tant de bosser un riff jusqu'à
ce qu'il passe mais plutôt de le simplifier,
d'en tirer la substantifique moelle quitte à
l'oublier pour le transcender ensuite comme ils
font dans le jazz.
Leprozy
:
Parler de simplicité
pour une musique d'une telle technicité c'est
un peu paradoxal, non ?
Harun : c'est technique sans l'être. Si tu
veux une musique technique, vois du côté
de Necrophagist ou des groupes dans le genre. Nous
on est complètement largué quand on
écoute ça.
Mais nos morceaux sont un peu techniques mais leur
structure reste simple : couplet/refrain/pont. Souvent,
on a des plans très simples et un décalage
de batterie fait que ça devient compliqué
: ça fait des grooves à l'envers et
des nuds à la tête.
Leprozy
: Pour
le son de votre nouvel album, vous avez travaillé
avec Sylvain Biguet. Êtes vous satisfaits
de votre son made in France ? Qu'avez vous cherché
à atteindre au niveau son sur XIII ?
Harun : Musicalement, on essaye de faire des compos
plus ouvertes et mélodiques avec beaucoup
plus d'expérimentation. De même, KK
a une voix plus ouverte, moins gutturale, il nous
fallait donc un autre son. Sur XIII, le son est
moins dans les basses, plus ouvert et les gens qui
ont entendu l'album le disent : " enfin il
y a adéquation entre votre son et la façon
dont vous jouez ".
Le son de Alchemik Clockwork Of Disorder (ACOD)
correspondait bien au son que nous avions à
l'époque. De même, XIII ne pouvait
pas avoir un autre son que celui qu'il a et qui
correspond bien à la musique que nous faisons
maintenant.
Leprozy
: Je
me souviens que vous trouviez votre démo
Pain's Threshold surproduite faute de moyens. Pour
vous le son est un point sur lequel nous, frenchouilles,
étions en retard. Quel est votre avis aujourd'hui
?
Harun : beaucoup moins maintenant. Regarde les dernières
prods d'Hacride ou de Gojira... c'est du bon son.
Nous sommes aussi très contents du nôtre.
Nicolas : le mastering compte aussi énormément.
Le gars qui fait notre son ce soir, Thibault Chaumont,
a une boîte de mastering (Deviant Lab) et
a fait du très bon boulot sur XIII.
NDLR
: dans la salle du Rockstore, connue pour être
difficile à sonoriser, le garçon a
fait un boulot magistral.
Harun
: Pour nous il n'y a même pas de débat
possible entre ACOD et XIII. Il se trouve que le
public ne le connait pas encore (vu qu'il ne sort
que la semaine prochaine) et le découvre
en live. On ne joue que 2 titres de ACOD durant
notre set... c'est un pari qu'on a pris.
Leprozy
: un
pari risqué car en général
il est assez difficile d'apprécier en live
des morceaux à la fois brutaux et techniques
sans les avoir déjà écoutés
auparavant. Là, le pari est gagné
car le public a très bien réagi et
est tout de suite rentré dans l'ambiance...
Harun : on se rend compte que certains morceaux
claquent plus sur scène que d'autres. Alors
quand tu arrives dans une tournée pour présenter
un nouvel album, tu dois penser à ça
pour marquer le public. De plus, c'est pour nous
un retour sur scène après presque
deux ans et il était hors de question de
revenir lourdement sur ACOD alors qu'on a un nouvel
album sous le bras.
Leprozy
: si
on ne devait retenir qu'n titre de ACOD pour imager
ce qu'est XIII à nos lecteurs, serait-ce
" Sick Boogie Murder " ?
Harun : non, ce serait trop réducteur. A
mon sens, XIII a 4 couleurs principales :
> il y a vraiment des morceaux atmosphériques
comme on n'en a jamais fait d'ailleurs, où
on trouve du ibo, du bottleneck, des atmosphères
au clavier qu'on été développées
d'une manière presque indus
> des morceaux extrêmement brutaux à
l'ancienne mais sur lesquels on a poussé
la technique à fond pour ce faire plaisir
dans ce sens
> des morceaux groovy dans l'esprit de "
Sick Boogie Murder " qui n'était en
fait qu'une expérimentation, un délire
du deuxième album. On s'est dit que c'était
une couleur du groupe qu'on devait exploiter donc
sur XIII il y a des morceaux plus développés
dans ce sens.
> Et il y a toujours des morceaux à la
sauce Trepalium très groovy, en ternaire,
basé sur des articulations rythmiques.
On
ne peut donc pas réduire XIII à un
seul morceau de ACOD, ce serait faux. C'est un nouveau
départ et on y retrouve bien sûr la
patte Trepalium.
Leprozy
: XIII
reprend l'histoire de ACOD là où vous
l'aviez laissée... la folie meurtrière
est installée dans la tête d'un clown
et ça va saigner... Pourquoi un clown ? Trop
de films de Rob Zombie ?
KK : non non, pas du tout, si ça ne tenait
qu'à moi ce serait des morts vivants partout
mais ça ne collerait absolument pas avec
Trepalium.
En fait c'est venu avec le temps notamment avec
le clip de " Sick Boogie Murder " (NDLR
: qui met en scène un clown meurtrier). Je
trouvais que c'était une bonne idée
d'utiliser l'imagerie du clown pour garder une continuité
entre ACOD et XIII. Dès ACOD, je voulais
écrire l'histoire d'un personnage et c'est
ce que j'ai continué à faire sur XIII.
L'histoire prend la forme d'un triptyque, reste
aux gens à deviner la suite...
Leprozy
: on
doit donc s'attendre à une suite... savez
vous déjà où vous allez aller
sur le plan musical ?
KK : Déjà on va aller à Toulouse
pour le concert de demain (rires).
Harun : pour le reste, tout est possible, on essaye
de se surprendre nous-mêmes.
KK : pour l'instant, on n'est pas du tout dans la
phase de création du prochain album, on profite
pleinement du live après la frustration de
notre période de break durant laquelle nous
n'avons pas tournés. On verra bien ensuite
où l'inspiration nous portera.
Leprozy
: un
dernier mot ?
Harun : merci pour l'interview, ça faisait
longtemps.
Ludo : le garage * de Montpellier est un enfoiré
!
Nicolas : j'ai un Ford Transit de 95 à vendre
et ma grand mère vend une super cinq bleue
de 130000km... (rires)
Leprozy
: Trepalium
en 3 mots ?
Nicolas : viens prendre l'apéro
Leprozy
: ça
fait 4...
Harun : Groovy Death Metal !