du
31 juillet au 2 août 2008
Wacken
(Allemagne)
Un métalleux peut-il
espérer plus grand bonheur que celui de tailler
la route aux beaux jours pour retrouver ses groupes
préférés aux antipodes et partager
avec d'autres amateurs de musique qui fait peur, quelques
bonnes bières et un déluge de watts
? Ne cherchez pas, les évidences sont là.
Grasspop, Sweden Rock, Hellfest, Bang Your Head, Gods
of Metal, Download, autant d'illustres festivals qui
rythment l'été et confirment par l'affluence
qu'ils génèrent la bonne santé
de notre musique préférée,
et puis il y a le Wacken Open Air. Le 'Wacken'. Le
plus grand, le plus gros, le plus respecté
de tous. Le festival ultime, dont la 19ème
édition se tient une fois de plus à
Wacken, ce petit village perdu au fin fond de l'Allemagne
à quelques encablures de Hambourg. Véritable
lieu de pèlerinage, terre promise de tout bon
métalleux, le Wacken est devenu au fil des
ans une institution. Et cette année encore,
le festival aura tenu toutes ces promesses, et ce
à tous les niveaux.
Mercredi
30 juillet :
Me
voilà donc à nouveau sur le départ,
Quechua deux secondes et sac de couchage en main sur
le quai de la gare de Béziers, attendant le
TGV pour un nouveau road trip en compagnie de quelques
joyeux warriors qui, au fil des ans gardent toujours
une certaine fraicheur ! Arrivé sur Paris,
je retrouve donc mon grand ami Dieu, alias 'Jack Nondidiou
de Nondidiou' et génial concepteur du projet
'Gorg and Cie', le Gorg en personne et Murder One,
le teint halé par un abus de Côte d'Azur.
Dépassant les 300 kilos à eux trois,
j'en viens à plaindre le pauvre Partner du
Gorg, mais me rappelle qu'un an plus tôt c'est
mon Kangoo Nuclear Blast qui subissait l'assaut de
ces trois gaillards hirsutes.
Je
vous passe rapidement sur le trajet, tant l'impression
de déjà-vu est grande, entre les histoires
plus très fraîches du Gorg, les archives
métalliques de Dieu et les cris d'extase de
Murder One à chaque évocation de Paul
Di'Anno. Les années passent, et l'histoire
se répète ! Je vous renvoie donc à
mes live reports des années passées
pour aller droit au but : l'édition 2008 du
WOA.
Jeudi
31 juillet :
Arrivés
au petit matin à l'entrée de Wacken,
nous trouvons un petit village endormi mais portant
déjà les stigmates de l'atmosphère
dans laquelle baigne la région depuis plusieurs
jours. La 'Metal Town', comme l'appelle ses habitants
accueille déjà plusieurs dizaines de
milliers de furieux et les abords de la commune annoncent
la couleur : WC chimiques, bars improvisés
dans les jardins des résidents, cannettes gisant
sur les trottoirs, silhouettes vacillantes dans l'aube
naissante, logos du festival à chaque coin
de rue,
bienvenu pour trois jours hors du temps
!
Trois
heures plus tard et nos accréditations en poche,
Gorg nous dépose, Dieu et moi devant le camping
VIP en nous traitant de posers tandis qu'une bouteille
de cidre en équilibre instable dans le coffre
s'explose sur le bitume. Le vieux grincheux engueule
Dieu, grommelle quelques insultes dont il a le secret
et reprend la route vers le camping public, immense
concentration de tout ce que représente la
planète Métal.
Je
m'effondre dans ma Quechua pour deux heures d'un sommeil
réparateur tandis que Dieu monte sa tente.
Il termine de planter son dernier piquet quand vers
15 heures, une masse compacte de journalistes et autres
groupies se forme devant l'entrée de l'espace
Presse. La première journée du WOA débute
en général calmement, du moins en apparence,
avec une petite conférence de presse et les
premiers riffs sont lancés à 16 heures.
L'ouverture
des portes me permet de mesurer tout l'intérêt
d'un pass VIP. Si certains s'en servent pour se la
péter, force est de constater que le principal
intérêt du précieux sésame
réside dans la possibilité qu'il offre
d'accéder à l'espace Presse, donc à
des tentes couvertes et aménagées contre
la chaleur ou la pluie, à des bars non surpeuplés,
de se brûler les pupilles au passage des groupies
qui pullulent dans les parages et surtout d'atteindre
les scènes en cinq minutes.
Car
cette année, comme en 2007, le festival a passé
un nouveau cap avec près de 75 000 personnes
accueillies sur un site qui frise la saturation. La
vue de cette nuée de fans massée contre
les portiques de l'entrée principale fait frémir,
tant la foule immense qui déferle dans l'enceinte
principale semble infinie. C'est une marée
humaine qui se presse et colonise les premiers rangs
de la Black Stage lorsque GIRLSCHOOL monte sur scène.
Les quatre guerrières, Kim McAuliffe (guitare/chant),
Jackie Chambers (guitare), Enid Williams (basse) et
Denise Dufort (batterie) viennent de donner une rapide
conférence de presse et ont l'honneur d'ouvrir
les hostilités sous un soleil de plomb. Lançant
la promo de son nouvel album 'Legacy' et piochant
dans son répertoire pour en sortir quelques
perles comme 'Emergency' ou le fabuleux 'Please don't
Touch', le quatuor sur lequel plane le fantôme
de la regrettée Kelly Johnson me file le grand
frisson. Ayant vu le combo sue scène à
plusieurs stades de sa carrière, je mesure
la persévérance de ces musiciennes dont
la volonté et l'envie d'en découdre
restent intactes.
Tandis
que sur la Party Stage MUSTACH laisse la place aux
frappadingues de NASHVILLE PUSSY, le backdrop hissé
sur la Black Stage annonce l'arrivée de Lauren
HARRIS. La petite anglaise qui n'en finit pas de sillonner
la planète en ouverture du combo de son célèbre
papa surgit pour 30 minutes d'un rock FM musclé
qui fait gentiment remué les premiers rangs.
Si les avis sont bien évidemment partagés
lorsqu'on évoque la qualité de la musique
du groupe de Lauren, force est de constater que la
belle joue sa chance à fond et donne tout pour
conquérir un public pas vraiment acquis d'avance
à sa cause. Mais le charme opère, aidé
en cela par l'effet du houblon et on ne peut s'empêcher
de penser à la fierté que doit ressentir
Steve Harris, planqué derrière les amplis
et qui ne perd rien de la prestation de sa fille,
qui termine son set sous les applaudissements de la
fosse.
Mais
le vrai démarrage, le vrai lancement des hostilités
survient avec l'entrée en scène d'AIRBOURNE.
Complètement tapés, les quatre australiens
qui cultivent avec la plus grande orthodoxie l'héritage
d'AC/DC déboulent sur scène dans la
fureur et l'électricité. 'Stand Up for
Rock 'n' Roll', 'Hellfire', ' Fat City', 'Diamonds
in the Rough', le début de set est explosif
et rappelle la prestation déchaînée
livrée par le combo lors du Hellfest. 'What's
Eatin' You', 'Girls in Black', le bonheur est total
quand Joel O'Keffe, Gibson explorer en bandoulière
attaque l'escalade de la structure encadrant la scène
pour finalement se percher à quinze mêtres
du sol et planter un solo débridé la
tête en bas
l'abus de Jack Daniel's peut
nuire gravement à la santé, mais "
c'est ça, le rock'n roll, bordel ", se
met à gueuler le Gorg ! La fête est totale
avec le trio final 'Black Jack / Too Much, Too Young,
Too Fast / Runnin' Wild' qui finit d'électriser
le public pour trois jours.
Tandis
qu'AVENGED SEVENFOLD tente de donner la réplique
à la déferlante australienne, je file
pour un premier arrêt au stand car la suite
promet d'être physique. Le site est archi-plein
et tandis que le soleil décline lentement,
une sensation d'étouffement me prend doucement
aux tripes. Face à la True Metal Stage, je
constate que je ne peux absolument plus bouger. Plus
tard, j'apprendrai que les portiques d'accès
ont été prématurément
fermés pour cause de saturation du site, les
retardataires devant se contenter des écrans
géants installés aux abords du Metal
Market. Car l'instant est unique. IRON MAIDEN, en
plein 'Back Somewhere in Time World Tour' joue ce
soir au WOA pour une date unique en Allemagne, et
pour un set qui s'annonce comme l'évènement
de l'année. Et quel évènement
! Un mois après avoir croisé le groupe
pour deux soirs magiques au POPB de Paris Bercy, je
frémis au son du 'Doctor Doctor' d'UFO qui
monte dans la sono. Le titre qui annonce l'arrivée
sur scène du groupe provoque l'enthousiasme
des fans et le 'Churchill speech' fait vaciller les
plus faibles. Que dire de la suite, sinon que tous
les espoirs et les attentes mis dans ce moment ont
été surpassés à la puissance
10. Un groupe au top de sa cohésion, trois
guitaristes brillants, un Steve Harris qui prend des
allures de Dieu vivant, un Nicko Mc Brain impérial
et
et Brice Dickinson. Le frontman ultime.
Le vrai héros de la soirée, formidable
bête de scène doublée d'un chanteur
d'exception, le garçon prend son public à
la gorge pour ne plus le lâcher durant les presque
deux heures du set. 'Aces High', 'Two minutes to midnight',
'Revelations', 'The trooper', l'entame de set est
hallucinante sous son déluge de lights. Les
deux soirées au Palais Omnisport de Paris Bercy,
début juillet me reviennent en mémoire
comme des flashs et chaque titre fait resurgir des
souvenirs intacts de toutes ces années passées
sur la route à suivre la Vierge de Fer aux
quatre coins de l'Europe. Et ce soir, un nouveau sommet
est atteint. Plus grand, plus fort, plus impressionnante
que jamais, la formation britannique s'impose en maître
incontesté de la planète Métal.
Mené par un Bruce Dickinson dominateur de bout
en bout, le combo envoie ses meilleurs hits et assène
Wacken d'un enchaînement " Rime of the
Ancient Mariner / Powerslave " fatal. La suite
est tout aussi géniale, et les " Can I
play with Madness " et autres " Fear of
the Dark " font exploser la fosse. A peine le
temps de reprendre nos esprits que le groupe revient
sur scène pour un rappel à couper le
souffle et un trio " Moonchild ", "
Claircoyant ", " Hallowed be thy name "
flamboyant qui fait presque oublier que trop de fabuleux
titres de la discographie du combo sont restés
au vestiaire. IRON MAIDEN est venu à Wacken
et a vaincu. Rarement dans l'histoire du célébrissime
festival, un combo n'a généré
une telle ferveur et la démonstration de sa
toute puissance a été une nouvelle fois
faite. Formidable !
Vendredi
1er Aout :
Il
est 11h00 pétantes lorsque la sono, gigantesque,
crache les premiers riffs de GRAVE sur la Black Stage.
Les suédois, dont la respectabilité
ne saurait être remise en question du fait de
leur implication dans l'histoire du Death Metal scandinave
lancent la journée. Le temps est lourd et les
extraits de 'Dominion VIII' s'imbriquent parfaitement
à un répertoire axé sur les titres
les plus percutants du combo.
MORTAL
SIN prend le relai sur la True Metal Stage. Les australiens,
responsables en 1987 d'un 'Mayhemic Destruction' qui
avait marqué les esprits sont de retour au
WOA après leur passage en 2006 sur la Wet Stage.
Le groupe de Matt Maurer qui bénéficie
du statut de combo culte se présente devant
une fosse déjà blindée et nous
balance quelques brulots de Heavy Thrash qui font
mouche à tous les coups. 'The Curse', 'Deadman
Walking ', le hit 'Lebanon', et le duo final 'I am
Immortal / Mayhemic Destruction' cartonnent dans les
premiers rangs.
Le
site se remplit à vitesse grand V et je file
sans attendre vers la Party Stage, située dans
un champ voisin de l'espace principal. Sur scène,
Paul Masvidal et Sean Reinert règlent les derniers
détails du soundcheck avant de lancer CYNIC
dans le grand bain. Accueillis par un public de fans,
les floridiens qui n'en finissent plus de faire leur
come-back depuis 2007 affichent une sérénité
rare et nous balancent quelques perles de Death Prog'
qui nous replongent immanquablement au début
des 90's et de la sortie de leur unique album, le
cultissime et indispensable 'Focus'. Malgré
la mauvaise pluie qui commence à tomber dru
sur Wacken, Cynic éclabousse de sa classe le
festival et le superbe nouveau titre 'Integral Birth'
réconforte les plus anxieux sur l'avenir de
cette reformation dont les contours d'un avenir discographique
se précisent de plus en plus.
Tandis
que les bucherons de UNEARTH s'affairent sur la True
Metal Stage, je reste aux abords de la troisième
scène où un autre moment d'histoire
se prépare. La pluie n'a pas cessé mais
les grappes de métalleux allemands convergent
vers le pit. Personne ne voudrait manquer le moment
qui arrive. HEADHUNTER, le combo fondé par
Schmier (DESTRUCTION), Schmuddel (TALON), et de Jorg
Michael (STRATOVARIUS) à la fin des années
80 et responsable de quelques brulots entre 1990 et
1994 revient sur les planche le temps d'un show canon,
un peu bordélique par moments mais ô
combien rafraîchissant tant il nous replonge
dans une jeunesse qui n'est malheureusement pas éternelle.
Mais qu'à cela ne tienne, après deux
bières le headbanging reste efficace même
avec quelques cheveux en moins !
L'heure
avance et alors que KAMELOT rencontre un vif succès
sur la True Metal Stage, je rejoins la Black Stage
où SOILWORK s'apprête à prendre
le relais. Le combo suédois qui compte un nombre
hallucinant de compatriotes dans l'assistance a bien
l'intention de relever le défi de la scène
principale. La défection de Peter Witchers,
le leader historique du groupe et un récent
'Sworn to a great divide' qui n'a pas amené
grand-chose de nouveau à la discographie de
SOILWORK font que bon nombre d'observateurs attendaient
la formation au tournant. Ils en seront pour leur
frais, tant les suédois, menés par un
Strid charismatique en diable et survolté font
explosé la fosse de leur Death mélodique
imparable. Mention spéciale à Dirk,
derrière ses fûts et moment fort du set
sur un 'Stabbing the Drama' en tout point énorme.
Je
file sous la Wet Stage, seule scène sous chapiteau
du festival et dont le sol détrempé
fleure bon l'étable ! Cela ne me choque toutefois
pas plus que ça vu le nombre de métalleux
patchés et aux traits porcins qui peuplent
l'assistance. Le manque de fraîcheur de nombre
d'entre eux, dont le poids des ans et l'abus de houblon
ont forcément façonné la silhouette
ainsi que la belle couleur rosée de joues gonflées
et charnues en dit long sur le prochain combo à
monter sur les planches. Et quel combo ! DESTRUCTOR,
le combo de Cleveland, Ohio, celui dont tout bon True
métalleux se doit d'arborer un patch d'époque
sur sa veste est à l'affiche du Wacken Open
Air, et l'ambiance vire au religieux lorsque les musiciens
apparaissent sur scène. Dave Overkill, Pat
Rabid, Jamie Boulder, Matt Flammable, le quatuor déboule
en cuir et clous pour quarante minutes de haute tension.
Ça tue, ça tranche, ça brise,
et en fermant les yeux, on se sent comme téléporté
dans le passé, à l'époque bénie
des Early 80's et des 'Defenders of the Faith', The
number of the Beast' et autres 'Balls to the Wall'.
Du riff en barre avec pour couronner le tout, le sacrifice
en fin de set d'un pauvre synthé ! " Ouais,
c'est comme ça qu'il faut faire ! " beugle
le Gorg dans la fosse ! La messe est dite
Retour
à la réalité avec SONATA ARCTICA
sur la True Metal Stage. Les finlandais, habitués
du WOA bénéficient d'un statut privilégié
et drainent une marée de fans. La fosse est
de plus en plus compacte et il est toujours plus difficile
d'évoluer sur le site. Sur scène et
malgré un set sans surprise, SONATA ARCTICA
remporte l'immense majorité des suffrages,
preuve encore une fois que notre musique évolue
et que le public du Wacken se régénère
au fil des ans, au grand dam de ses plus fidèles
visiteurs qui peinent, année après année,
à y retrouver leurs repères.
Il
est près de vingt heures et la journée
semble filer comme une balle. Sur la Black Stage,
un de mes groupes favoris lance ses premiers riffs
devant une foule compacte et toute entière
conquise d'avance. Michael Akerfeldt et ses potes
entrent en scène et OPETH rafle d'entrée
la mise. 'Demon of the fall ', 'Master's Apprentice',
'The drapery falls', 'Heir apparent', les perles vont
se succéder pendant une heure et je suis aux
anges. Piochant dans leur extraordinaire discographie,
les suédois vont éclabousser le WOA
de leur classe et les titres du récent 'Watershed',
déjà superbes en studio sont magnifiés
ce soir en live, d'autant que le groupe bénéficie
d'un des meilleurs sons de tout le festival. La grande
classe !
La
suite se passe sur la True Metal Stage, devant laquelle
les turbulents CHILDREN OF BODOM ont rameuté
leurs troupes. C'est dans un bordel innommable que
les premiers rangs accueillent les finnois. Le groupe,
qui à l'instar de combos tels qu'IN FLAMES
illustre parfaitement le conflit des générations
envoie un show explosif. Le soir tombe et les lights
entrent en action tandis que la sono déverse
un déluge d'électricité. 'Sixpounder',
'Hellhounds on my trail', 'Living dead beat', 'Neddled
24/7', les titres s'enchaînent sans temps mort
et sur scène Alexi fait son show. Le leader
charismatique et sacrément égocentrique
du combo en fait des tonnes, riffe, triture sa Jackson
dans tous les sens, envoie des solos supersoniques,
boit comme un trou et nous gratifie de ses speeches
un peu trop faciles à grands coups de 'Fuck'
et autres 'Fucking fuck' qui mériteraient vraiment
un brin de recyclage. Mais les faits sont là.
CHILDREN OF BODOM est devenu une grosse machine qui
cartonne toujours autant en live et balaie tout sur
son passage. Malgré un récent 'Blooddrunk'
en demi teinte, force est de constaté que sur
scène 'Hate crew deathroll' et 'Downfall' font
des ravages.
Difficile
après une telle bourrasque de subir les navrants
CORVUS CORAX sur la Black Stage. Je me replie donc
vers la Party Stage pour une nouvelle dose de Death
scandinave livrée par THE HAUNTED, avant de
revenir devant la True Metal Stage où AVANTASIA
est annoncé. Le projet solo de Tobias Sammet,
chanteur d'EDGUY est une des têtes d'affiche
du festival et c'est dans un site plein à craquer
que les premiers accords de 'Twisted Mind' résonnent
soudain. Tobias nous l'avait promis. Le show de ce
soir nous réservait des surprises, et surprises
il y eu. D'abord avec l'entrée en piste de
Jorn Lande (ex-ARK et MASTERPLAN) sur 'The Scarecrow'
et 'Another Angel Down', malheureusement ruinée
par un micro dont seuls les retours reproduisait le
son, provoquant de fait une bronca terrible du public,
Tobias ne comprenant pas vraiment ce qui se passait.
Puis, c'est au tour d'Andre Matos (ex-ANGRA, SHAAMAN)
d'apparaître sur 'Reach out the Light' et de
subir le même problème technique, heureusement
réglé sur 'The story ain't over' reprise
par un Bob Catley impérial. Le public adhère,
Tobias est aux anges, les titres s'enchaînent
dans l'enthousiasme et la positivité d'un Heavy
rock mélodique sur lequel les voix de chacun
des quatre chanteurs prennent toute leur mesure et
AVANTASIA assoit définitivement son statut
de Headliner avec un final dantesque 'The Toy Master
/ Farewell / Sign of the Cross/ The Seven Angels'.
Assurément une des claques de la journée.
Il
est deux heures du matin et mes jambes ont du mal
à me tenir, et alors que la raison voudrait
qu'à mon âge, je sois au lit depuis longtemps,
je file en direction de la Black Stage qui pour l'occasion
va bien mériter son nom. Têtes de mouton
écorchées plantées sur des pics,
barrières et barbelés, chandeliers,
le climat est inquiétant et annonce l'arrivée
d'un des combos les plus controversés du microcosme
True Black Métal : GORGOROTH. Et pour cette
soirée, les norvégiens ont décidé
de rejouer la mise en scène du fameux DVD 'Black
Mass Krakov' en amenant avec eux quatre figurants
complètement nus et cagoulés, juchés
sur quatre immenses croix installées de part
et d'autre du drumkit. Quant au set en lui même,
que dire, sinon qu'une fois de plus le groupe aura
divisé le public. Méprisants et charlatans
pour les uns, ultimes pour les autres, Ghaal, King
et leurs acolytes ne laissent personne indifférent
et cultivent allègrement une image qui favorise
un business certainement lucratif. Un son ultra brut,
âpre et rugueux, des musiciens plongés
dans leurs poses et leurs instruments, un Ghaal corpsepainté
comme jamais au charisme glacial, des titres flippants
et un Black Métal ancré dans ses racines
les plus profondes qui prend ce soir, toute sa dimension.
Il
est près de quatre heures du matin, je m'écroule
dans ma tente après deux dernières bières
dans le carré VIP en compagnie des musiciens
d'OPETH. La journée du lendemain s'annonce
longue.
Samedi
2 Aout :
Le
premier coup de feu de la journée est tiré
à 11h00 avec l'entrée en scène
des canadiens de 3 INCHES OF BLOOD. Vestes à
patches, barbes, le look de vieux bikers du combo
ne laisse rien filtrer du véritable style du
groupe qui évolue dans un Heavy supervitaminé,
acéré et renforcé par des vocaux
démentiels et haut perchés. Une petite
tuerie s'organise dans le pit et malgré la
fatigue accumulée des jours précédents,
c'est un public conquis qui accompagne la prestation
des canadiens dont les titres de 'Fire up the Blades'
et 'Advance and vanquish' prennent une ampleur nouvelle
sur scène.
Le
marathon est lancé. Après un détour
par la True Metal Stage où SWEET SAVAGE ravit
les plus anciens des combattants du pit, la Black
Stage accueille d'autres vétérans encore
plein de sang frais, les allemands d'HOLY MOSES. Emmené
par une Sabina Classen sur laquelle le temps ne semble
avoir de prise si ce n'est pour renforcer sa hargne,
le combo aura toutefois du mal à livrer une
prestation aussi puissante et folle que celles données
en 2003 et 2005, la faute sans doute à une
setlist sur laquelle auraient mérités
de figurer quelques brulots que le groupe semble avoir
oublié dans le tour-bus. La suite se passe
sur la True Metal Stage. Et quelle suite ! EXODUS,
dont le backdrop vient d'être hissé derrière
le drumkit s'apprête à entrer en scène.
L'intro
épique qui monte dans les enceintes est accompagnée
d'une ovation monstre à faire trembler le sol.
Gary Holt et ses potes apparaissent sur scène.
EXODUS est dans la place et la boucherie peut commencer.
Comptant trois albums à son actif depuis sa
reformation en 2004, le combo de San Francisco n'en
finit plus de sillonner les scènes du monde
entier, soutenu par une armée de fans prêts
à tout pour leurs héros. Immense Gary
Holt ! S'il y en a bien un qui mérite le Prix
du thrasheur de l'année c'est bien le guitariste
californien, pilier inamovible d'un des combos les
plus illustres et respectés de la Bay Area.
Près de trente ans après sa formation
par ce maître du riff qui tue, le combo de San
Francisco ne quitte plus l'actualité du Métal
ces derniers temps. Après un 'The atrocity
exhibition
Exhibit:A' tonitruant, cette tournée
des festivals européens est l'occasion rêvée
pour EXODUS de revenir chatouiller nos tympans.
Le furieux 'Bonded by Blood' est lancé et fait
d'entrée de jeu, exploser la fosse. Troisième
hurleur du combo, successeur de Steve 'Zetro' Souza
et de feu Paul Baloff, Rob Dukes gagne soir après
soir ses galons de frontman ultime. Crâne rasé
au couteau de cuisine, bras couverts de tatouages,
regard de chien d'attaque, le garçon n'est
pas vraiment le genre de personne à laquelle
on aurait envie de sortir une blague à deux
balles. Rajoutez à cela la large balafre qui
lui barre le visage et qu'il n'a pas dû se faire
en taillant les rosiers du jardin de sa mère,
et l'ogre mangeur d'enfants qui peuplait vos cauchemars
de gosse prend soudain forme devant vous ! 'Deathamphetamine',
'Iconoclasm', 'A lesson in violence', le carnage est
total et chaque titre est envoyé avec toute
la rage et la folie qui caractérisent et ont
fait la réputation du combo. Chaque morceau
transpire de furie et le travail de Rob Dukes est
hallucinant de précision sur chacun des titres
issus du fabuleux 'Bonded by Blood'. Ce monument ultime,
premier effort d'EXODUS paru en 1985 et pierre angulaire
de l'histoire du Thrash, uvre majeure et tout
aussi essentielle qu'un 'Kill'em All', un 'Reign in
Blood' ou un 'Among the Living' se voit ici revisité
par un combo au meilleur de sa forme. Tom Hunting,
le batteur originel qui a repris sa place derrière
les fûts après bien des tourments psychologiques
délivre une prestation surpuissante et booste
chaque titre, aidé par les lignes de basse
de Jack Gibson, lourdes à souhait. Quant aux
guitares, que dire sinon que la paire Gary Holt -
Lee Altus fait merveille, encore plus incisive, tranchante
et destructrice que la version originale que Gary
formait avec Rick Hunolt. La suite est tout aussi
jouissive et 'War is my shepherd' dédié
aux boys de l'armée US, provoque l'hystérie
générale. Les écrans géants
qui encadrent la scène permettent à
chacun de ne pas perdre une miette du chaos général
qui règne dans la fosse, où les circle
pits n'ont jamais été aussi violents,
avant que Rob ne lance un Wall of Death immense sur
le final de 'Strike of the Beast'. Assurément
un des meilleurs concerts de toute l'édition
2008.
Pas le temps de trainer. Le programme est chargé
et je m'écroule dans l'herbe plus très
verte sur les cotés de la Party Stage en faisant
attention de ne pas m'allonger dans une flaque de
pisse ( !) pour profiter du set d'OBITUARY. Les floridiens
sont fidèles à eux-mêmes, me procurant
cette sensation de déjà-vu tant leurs
prestations se suivent et se ressemblent, en même
temps que j'y puise régulièrement l'énergie
suffisante pour trouver ça excellent. Mention
spéciale à Trevor Perès et Ralf
Santolla, dont la présence scénique
booste le show du groupe.
La
séance de martelage auditif se poursuit sur
la Black Stage où, après un arrêt
au carré presse pour une séance photo
avec DORO, je me fonds dans une foule compacte afin
de ne rien manquer du show de CARCASS. Reformés
depuis quelques mois pour une série de shows
qui n'en finit plus de s'allonger, les maîtres
du Grind Death sont attendus de pied ferme par des
fans dont la plupart étaient encore trop jeunes
pour avoir croiser le combo sur scène au moment
de son règne sur la musique de dégénérés,
durant la première moitié des 90's.
Une chose est claire : si le show de CARCASS au Hellfest,
deux mois plus tôt m'avait laissé un
peu sur ma faim, je dois bien reconnaître que
le set de ce soir m'a complètement transcendé.
Hyper carrés, gonflés à bloc
par l'enjeu et soutenus par un public manifestement
venu en masse pour eux, les quatre anglais vont livrer
une prestation immense, rentre dedans et percutante
comme on n'osait en rêver. 'Corporal Jigsore',
le fabuleux 'No love lost', 'Embodiment', 'Genital
Grinder', le bordel dans le pit est à l'image
de la violence musicale du groupe. 'Reek of putrefaction'
est un bonheur de brutalité tandis que 'Incarnated
Solvent Abuse' voit Angela Gossow d'ARCH ENEMY rejoindre
le groupe pour une jam qui déclenche une nouvelle
vague de folie dans les premiers rangs. Les crowd-surfers
sont légion et la fin du set met tout le monde
d'accord. CARCASS a, à l'image d'EXODUS, livré
un des meilleurs moments du WOA.
Et
que dire de la suite ? Tout simplement qu'elle fut
tout aussi jouissive que le reste, avec tout d'abord
AT THE GATES, énième combo suédois
de l'affiche, lui aussi reformé pour une série
de dates partout en Europe. La prestation du combo
est àl'image du set livré en juin au
Hellfest, et balaie tout sur son passage. Des musiciens
déterminés, un Tomas Lindberg époustouflant
de maîtrise, hurleur ultime et formidable frontman,
l'énergie développée par AT THE
GATES est énorme et se transmet au public qui
n'en demandait pas mieux et livre ses dernières
forces. Ce groupe, précurseur avec IN FLAMES
de l'école suédoise du Death Mélodique,
responsable du fabuleux 'Slaughter of the soul' paru
en 1995 et lui-même héritier des ENTOMBED
et autres DISMEMBER a prouvé s'il en était
encore besoin toute la vivacité et la domination
de la scène scandinave sur la vieille Europe
et a offert à son tour, un set d'exception
qui fera date dans l'histoire du WOA.
Alors
que sur la True Metal Stage, NIGHTWISH livre à
son public le set qu'il attendait, je bats en retraite
vers le bar afin de rester sur le souvenir de la prestation
du combo livrée en 2005 ici même avec
Tarja, avant de revenir vers la Black Stage pour le
dernier grand moment de ce WOA. Restons toutefois
quelques instants sur 2005, pour évoquer la
tuerie qu'avait délivrée KREATOR cette
année-là. Visible sur le DVD de l'édition
Deluxe du 'Enemy of God', ce show avait laissé
des traces indélébiles dans ma mémoire
et j'espérais secrètement revivre l'expérience.
J'en rêvais, KREATOR l'a fait ! Il est minuit
passé et dans l'humidité de la nuit
nord - allemande l'intro de 'The Patriarch' annonce
la couleur. Rouge sang ! Les silhouettes de Mille
et ses potes apparaissent et la furie KREATOR s'abat
sur le WOA. 'Violent Revolution', ' Pleasure to Kill',
'Enemy of God ', 'People of the Lie', 'Europe After
the Rain', le show est lancé sans temps mort.
Mille est gonflé à bloc, harangue la
foule de ses speeches habituels, toujours aussi efficaces
lorsque pris au second degré et la joie dans
la violence est extrême lorsque le groupe enchaîne
ses hits. 'Suicide Terrorist ', 'Extreme Aggression
', 'Phobia', 'Betrayer', 'Voices of the Dead ', 'Reconquering
the Throne', l'énergie dégagée
par le combo est intense et l'air ambiant semble s'épaissir
titre après titre. La fosse est en folie et
mon cerveau est au bord de l'implosion ! La fin du
set est à l'image du reste du concert : sauvage.
'Impossible
Brutality', et le duo 'Flag of Hate / Tormentor' ponctuent
la prestation de KREATOR et par là même
l'édition 2008 du Wacken Open Air. 2009 est
maintenant dans la ligne de mire, qui célèbrera
les vingt ans du plus grand festival Métal
au Monde. 'Harder, Louder, Faster' !
(YvesZ).